L'artisanat, qu'est ce que je paye? Les étapes détaillées de la vente d'un produit


Lorsqu'on achète un produit artisanal, on a pas souvent conscience de tout ce que cela implique.
De prime abord, on pense immédiatement au fait main. Mais l'artisanat, ce n'est pas que ça.
En tant qu'auto entrepreneur, on doit souvent porter différentes casquettes loin du fait main.

En ce qui me concerne, je passe par beaucoup d'étapes avant de pouvoir tirer un bénéfice de la vente de mes confitures:

-1- Le brainstorming: je réfléchis à la confiture à vous proposer en prenant en compte plusieurs aspects: l'originalité ou la tradition, l'éthique, la saison...

-2- La mise en place d'une recette: pour obtenir le taux de sucre le plus bas tout en respectant la législation propre aux confiture extra, je dois mettre au point LA recette. Soit je réussis tout de suite et je peux passer à l'étape 3, soit je rate: trop sucré ou pas assez et je dois recommencer jusqu'à ce que je réussisse. 

-3- La prospection: une des étapes les plus difficiles et pénibles car je ne me contente pas de vous proposer de banales confitures de saison mais j'ai à coeur d'utiliser des fruits locaux, made in France ou européen, bio ou non traités, le tout dans le respect du travail des producteurs. Le tout à un prix correct pour vous proposer les tarifs les plus abordables réunissant toutes ces conditions.

-4- L'achat des matières premières: Une fois le ou les fournisseurs trouvés (et en espérant qu'il s'agisse d'une relation durable pour ne pas avoir à tout recommencer l'année d'après), je dois acheter les matières premières: les fruits, le sucre, les pots. A cette étape se greffent plusieurs grosses dépenses: la livraison, les déplacements pour acheter les fruits et autres.

-5- Enfin l'étape du fait-main: je peux enfin vous concocter de délicieuses confitures! Mais ce n'est pas une mince affaire: chez moi, pas de machine high-tech ou main d'oeuvre, je suis toute seule avec des ustensiles domestiques. Pendant cette étape, je coupe, j'épluche, je pèle, je mixe, j'écrase, j'égraine, je dénoyaute... Entre deux tâches, je dois systématiquement nettoyer et désinfecter le plan de travail, faire la vaisselle des ustensiles utilisés, stériliser les pots avant et après pour plus de sécurité. Je dois également penser à noter les pots réalisés pour les assimiler à des numéros de lots. 
Je dois ensuite imprimer les étiquettes et y annoter les numéros de lots et ensuite stocker les pots. 
Toutes ces étapes ont un coût: l'électricité, l'usure des équipements, le temps de travail...

-6- Définir le prix de vente: Lorsque je dois me mettre à mon bureau pour définir les prix de vente, je ne le fais pas avec plaisir, TOUT doit être pris en compte: comme cité ci-dessus, l'électricité, l'usure des équipements, le temps de travail, l'impression des étiquettes (encre + feuille+ temps de découpe). Il y a également tout ce qui est autour tel que la communication (flyer, cartes de visites...), ce qui est relatif à l'envoi (scotch, calage, impression des bordereaux d'envois, protection isotherme pour produit frais)
Généralement, nous ne nous faisons que de très très petits bénéfices, on ne se paye pas vraiment. 
Par exemple sur certaines confitures aux fruits bio, d'origine France ou européenne, je multiplie tout ces coûts pas 2. Le calcul est vite fait... je dépense 1€ pour ne récupérer qu'1€ de bénéfices.
Pour définir le prix de vente, il faut aussi prendre en compte les déplacements pour acheter les fruits et/ou les pots (ou la livraison).

-7- La mise en vente: une fois le prix de vente défini, il faut faire la promotion de ce que l'on vend. Et là, généralement, ce n'est pas notre fort non plus. 
Il faut donc compter un investissement aussi bien financier que de temps dans l'ouverture et l'alimentation d'un site internet/blog, le temps passé sur les réseaux sociaux. Il faut trouver la bonne cible sinon on brasse beaucoup de vent pour rien et c'est extrêmement chronophage. Les photos des produits ne doivent pas être négligées non plus et cela demande du temps pour les prendre (penser à la mise en scène notamment), les retoucher, les poster... 
On doit aussi répondre aux messages privés avec bonne humeur, courtoisie et bienveillance quel que soit notre mood du jour. 

-8- La conclusion d'une vente: ça y est, la vente est conclue! Il faut maintenant emballer très précieusement le produit, penser à y glisser flyer et carte de remerciement. 
Soit on investis dans du carton soit on les recycle et donc cela a un coût: le temps! Il faut aussi imprimer le bordereau d'envoi, sans fautes même si l'erreur est humaine. On doit ensuite se déplacer soit au point relais soit à la poste et dans mon cas; assurer un suivi des envois.

Loin de l'idée que l'on a du fait-main, lorsque l'on achète à un artisan, c'est tout cela que l'on achète. C'est surtout du temps, de la passion et de la qualité.
Pensez-y lorsque vous trouver qu'un produit artisanal est trop cher et que vous vous dites que vous pourrez trouver moins cher en magasin. Oui mais à quel prix? Au prix de l'uniformisation, des provenances opaques, des conditions de travail tues, de la perte du savoir faire artisanal qu'une machine ne pourra jamais acquérir et au prix de la fermeture des entreprises artisanales. Au prix des larmes de petits entrepreneurs (ou pas) parce qu'ils doivent se rendre à l'évidence: leur rêve n'a pas sa place dans cette société de surconsommation et de mauvaises habitudes de consommation.


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